Aposiopèse

Aposiopèse.
Du grec aposiôpêsis action de s’interrompre.
L’aposiopèse révèle une émotion, une hésitation.
En peinture elle est une interruption du geste, de la forme et du mouvement.
Une ligne de démarcation entre deux surfaces, l’action d’un corps brisé par une impulsion.
Comme un brusque silence.
La solitude des nombres premiers, une emprise et déprise ou la tentative d’une union inconciliable.
L’art et le monde sont toujours en recherche d’équilibre ou d’opposition. (1) 

Diffraction.
Du latin diffractum, briser, rompre.
Phénomène par lequel la direction de propagation d’une onde se trouve modifiée lorsqu’elle rencontre un obstacle ou une ouverture.
Des masses profondes, ombrageuses viennent s’agripper sur le rebord du monde, des traces aériennes, iridescentes. Comme un refracto, une opposition.
Cependant, Il n’y a pas de diffraction sans interférences.
Les perturbations de l’âme produisent de merveilleux effets en nos corps, par la réfraction et condensation, rétractation et effusion des humeurs et des esprits. (2)
Les formes, les surfaces, les traits, les tâches, les giclées s’ajustent, se confrontent se rythmisent dans une fulgurante eurythmie du hasard. 
Conception flexueuse du geste dans une constante mouvance impétueuse.
La matière intempérante du pigment, sa texture densément organique dans une constante onctuosité voluptueuse.
Aller de l’avant, vivement et sans reprise le trait dans la pâte colorée. (3)

Aisthèsis.
Du grec Aisthêsis, sensation, perception.
Qui désigne à la fois la faculté et l’acte de sentir.
D’une diffraction des états, retrouver une chaotique concordance.
Reconstituer une symbiose des cinq sens dans l’aisthèsis koinè, sensation commune.(4)
Confier au corps le soin de former des idées.
Le corps est dans ces moments-là un vide.
Il est un vide actif parce que c’est de lui que surgissent les idées. (5)
Sensation commune qui permet, dans le trouble des divergences, de concilier la singularité et le pluriel, l’esprit et le corps, l’immatériel et le palpable.
C’est par le mouvement, l’emportement pigmentaire, l’action du trait, la tempétuosité du geste que se perçoit la sensation et pourtant l’aposiopèse, ce brusque instant, sans corps ni substance révèle l’idée d’un bord, d’un écart, l’ire foudroyante d’une mutité.

À l’homme engagé Luis Sepulveda, victime du Covid19. 1949-2020.